jeudi 30 janvier 2014

Semaines 17 & 18 : Salta - Paso de Sico - San Pedro de Atacama

Au risque de répéter une n-ième fois l'accroche du post, on peut affirmer sans hésitation que les huit jours qui viennent de s'écouler furent les plus difficiles de tout le voyage ! Il faut dire nous avions pris la confiance en traversant deux fois les Andes sans pépin et lorsqu'il a fallu choisir entre deux cols (le paso de Jama et le paso Sico) pour rejoindre de nouveau le Chili, on a opté, la fleur au fusil, pour l'itinéraire sans asphalte, celui de Sico. Nous partons donc à l'aveuglette sans autre information que notre modeste carte de l'Argentine à l'attaque d'un col indiqué à "seulement" 4100. "Fastoche les gars, en plus, comme il n'y a pas de goudron, il n'y aura personne, on va être pénard; Et puis d'autres l'ont fait avant nous !". Ce qu'on ne savait pas c'est qu'on allait passer 4 jours, un peu trop seuls au dessus de 4000 m à enchaîner les cols jusqu'à la descente vers le Chili. Moralité, après deux cols à 4100, un autre à 4300, trois autres à plus de 4500, un bel orage et surtout une petite frayeur sur notre autonomie en eau et en nourriture, l'Eldorado à Vélo abdique et s'offre un petit tour de camion-stop. Une fois n'est pas coutume mais on peut parler d'une bonne claque dans les dents ! Retour en images sur ces 10 jours !



Notre dernière partie de saute-mouton avec les cols Andins, illustrée par une belle carte Google. Au final, de Salta à San Pedro de Atacama, 330 km de vélo vraiment pas faciles (points A à G), avant 180 bornes dans notre camion salvateur.



A Salta "Capital", on profite de notre pause prolongée pour toutes les petites réparations qui traînent depuis des jours. Il suffit d'entrer chez le premier artisan et pour un euro symbolique on ressort avec un short recousu de toute part, un double toit dont la fermeture éclaire coulisse de nouveau (très pratique) et une béquille solidement fixée au cadre après extraction d'une vis récalcitrante. Sous les yeux d'un Quentin ébahi, le type de la photo répare en un clin d'œil la maudite fermeture éclair qui empêchait jusqu'à présent toute sortie de tente précipitée ...!



Le camping de Salta est le meilleur endroit de la ville pour faire des rencontres, notamment des jeunes mochilleros -voyageurs en sac à dos-, comme cette bande de joyeux lurons venus de Buenos Aires qui nous font redécouvrir le visage de la jeunesse Argentine !



Salta est aussi l'occasion de partager des moments de musique latino intenses,  avec ses rythmes envoûtants, autour de pizzas maisons cuites à l'asado. Un régal pour l'estomac et les oreilles!



La veille de notre départ de la capitale du nord argentin, on profite de nos dernières heures de repos pour apprécier comme il se doit le folklore local, en pleine exhibition ce jour-là sur la plaza central. Sur la place, on compte autant d'appareils photos que de glaces 3 boules... 



Allez, cette fois-ci, c'est la bonne ! Les vélos comme neufs, les tentes réparées et le moral au top, on quitte Salta ce 23 janvier, pour s'engouffrer une fois de plus dans les interminables vallées de la Cordillère. On profite des premiers km pour faire un ultime plein de verdure à 1.500 m d'altitude !



La route nous fait rapidement entrer dans les entrailles de la bête Andine, via la magnifique Quebrada del Toro que l'on suit une bonne 50 de km (on appelle ici Quebrada ces immenses vallées déchiquetées par l'érosion, comme ici ou au nord de Cafayate). 



Les 80 "k" de montée depuis Salta (comme disent nos copains australiens Paul et Lisette avec qui nous avions échangé des morceaux de cartes routières contre des feuilles de routes boliviennes pour cyclo suicidaires) sont fatals pour le genou d'Alex. Cette foutue articulation n'aime définitivement pas les jours de reprises et c'est claudiquant qu'il se dirige en fin de journée vers l'église dans laquelle nous n'allons pas tarder à être chaleureusement invités à passer la nuit. Nous avons la grande chance de tomber par hasard sur une mission franciscaine (des jeunes en retraite dans la Cordillère pour 15 jours) dont les très généreux membres, Juan Pablo, Maria-Lourdes, Santiago, Camilla et tous les autres nous ouvrent grand les portes. Bilan, pas de tente à monter, pas de réchaud à faire fonctionner, pas de logistique alimentaire à penser et surtout, une très bonne soirée !

 ! Amigos de San Juan, muchissimas gracias por su hospitalidad y su alegria en la vida !



La petite église en question, transformée pour l'occasion en hotel 4 étoiles (au moins!). 



Le lendemain, nous repartons chargés de beaucoup trop de cadeaux comestibles à l'assaut de notre col mais le genou précédemment cité n'est toujours pas d'accord (comme s'il avait un mauvais pressentiment... on devrait être plus à l'écoute de notre corps !). 15 km plus tard nous retrouvons nos hôtes de la veille avec qui nous passons une journée de plus à prier pour un rétablissement rapide. 



Pas moins de trois messes, une invitation à dormir dans les lits des pensionnaires du lycée voisin partis en vacances et une injection de cortisone dans les féfesses sont nécessaires à une convalescence rapide ! Le fou sur la photo c'est l'infirmier à qui Alex s'en remet corps et âme. "La fe, hay que tener la fe !!" ("La foi, il faut avoir la foi !") Tels sont les mots de Luis lorsqu'il dégaine une seringue longue comme deux index. Heureusement, "la salud es publica aqui en Argentina", les soins sont prodigués à qui en a besoin, et qui plus est, sur le champ. Alex repart avec une telle douleur à l'arrière train qu'il en oublie presque son genou. Redoutable.



La cortisone (ou les prières ? ou les deux ?) se révèle bougrement effiace, et le lendemain, dès 10h, notre petit peloton repart plein d'entrain à l'assault des routes poussiéreuses de la Cordillère. Au passage, les paysages se font de plus en plus majestueux.



Oh les jolis lamas !



Cette bête nous est définitivement très très sympathique.



Un col, un ! "Tiens, il nous reste encore 200 bornes avant le Paso, et on est déjà à 4100 m d'altitude ?" Les premiers doutes commencent à planer ...



Nous ne mettons pas seulement des photos idylliques car ça serait mentir que de dire que nous voyons que des choses extraordinaires depuis 4 mois... C'est le cas notamment lors de notre arrivée dans la petite ville de mineurs de San Antonio de Los Cobres où nous faisons un bon dans le temps,  à l'époque de Germinal (petite dédicace à feu le couteau d'Alex) : nous sommes accueillis par un ivrogne,  nous faisons face à de la mendicité de la part d'enfants pour la première fois en Argentine, la pluie commence à tomber et transforme les rues en torrents, nous ne parvenons pas à relever un cycliste écroulé à terre par abus de stupéfiants  ...



Et pourtant, tout n'est pas noir à San Antonio de los Cobres !  La légendaire hospitalité des Bomberos ( les pompiers volontaires) est ici aussi une réalité, ce qui nous permet de passer la nuit dans une magnifique suite de 4m par 3, tout confort garanti.



A mesure que nous prennons de l'altitude, la route se fait de plus en plus vilaine. Mauvais présage ...



Nous profitons de notre ignorance de la difficulté du Paso Sico pour nous accorder un détour au Viaduc de la Polvorilla, situé à 4.200m d'altitude et faisant partie de l'ensemble du Tren de las Nubes - le Train des Nuages-. Il s'agit d'une des voies ferrées les plus hautes du monde, construite sous la houlette d'un certain ouvrier yougoslave qui deviendra quelques années plus tard un certain Tito... Au passage,  ça nous a valu un petit col à 4100m. Le second d'une longue série...




Les montagnes sont les derniers lieux où subsitent encore la culture indigène provenant de la civilisation inca, comme la Pachamama. Pour faire simple, la Pachamama est un dieu qu'il faut honorer en lui offrant une partie de ce que l'on consomme. Du donnant-donnant en quelques sorte, comme l'illustre la photo ci-dessus.



Voici notre dernière trouvaille alimentaire,  mise en valeur par notre charmant Alex : le Tang. Ça n'a pas l'air très bon à première vue, mais cette poudre aromatisée nous permet d'atteindre les 5.000 k calories nécessaires par jour pour pouvoir tenir sur les pistes andines. En plus, ça ne pèse presque rien donc pourquoi s'en priver?  Tang,  pour rester mince,  sauf dans sa tête.



Olacapato, autre village dont la seule raison de vivre est la mine voisine, et ultime refuge de l'humanité avant la frontière. C'est donc le dernier point de ravitaillement pour l'Eldaurafaim à vélo. Première mission, faire du shopping. Et comme chaque fois qu'on fait des emplettes après un solide petit dej, nous visons largement en dessous du nécessaire avec l'illusion propre au sentiment de satiété qu'il sera facile de se serrer la ceinture. Hahaha. Deuxième mission, branlebater la moitié des habitants pour dégoter les précieuses feuilles de coca qui font oublier la faim et l'altitude. Les chiques de coca mêlées au bicarbonate de soude (recette locale) nous donnent l'air intelligent caractéristique des rongeurs. Bienvenu chez les hamsters !



Troisième mission, négocier une paire de lunettes à un mineur du coin, celles d'Alex reposant en pièces détachées dans le col précédent.



La petite pause d'Olacapato derrière nous, on s'élance dans ce qui devait être notre sprint final vers la frontière chilienne. Une fois de plus, un petit col surprise à plus de 4.500 se dresse devant nous... On commence à vraiment sentir l'entourloupe. Les paysages n'en restent pas moins incroyables !



Le fameux troisième col en question ( ou quatrième, on ne sait plus vraiment ... ). Au passage, la tempête commence à donner de la voix derrière nous. Croyez-nous, entendre le tonnerre éclater à 4500m d'altitude, au milieu de nulle part, ce n'est vraiment pas ce qu'il y a de plus rassurant.



Alors que l'eau monte doucement dans l'abri de fortune surgi au détour d'un virage, nous regrettons amèrement de n'avoir pas emmené une petite flasque de Fernet. Malgré les apparences, l'aimable SDF ci-dessus n'a pas ingéré une seule goutte d'alcool. Envoyez vos dons. 3615 Orage dans les Andes.



Sur les hauts plateaux andins, alors que la tempête de la veille a disparu depuis quelques heures, nous découvrons notre premier Salar, un immense désert de sel planté au milieu des montagnes à plus de 4000m d'altitude : inoubliable !



Seuls au monde, comme jamais !



Après les cols surprises, le vent surprise ! Le compteur reste bloqué à 7km/h, que du bonheur. Quelques kilomètres plus loin, on se terre dans un trou à 4000m, alors que la douanne argentine apparait au loin. Impossible de faire les ultimes hectomètres.



"Ca, un col ?!  Et devant, c'est quoi ??!" L'amertume est bien au rendez-vous au moment de passer la frontière argentino-chilienne, bien conscients que la grande descente pour le Chili, ce n'est pas encore pour tout de suite !

 ¡ Dejamos en Argentina muchos amigos, de Vedia a Alfarcito, pasando por Mendoza y Salta, que no vamos a olvidar !  ! Muchas gracias a vosotros por su hospitalidad, su amistad y su ayuda !



Le chemin de croix.



5ème ou 6ème jour d'ascenscion : le col est derrière nous, mais la route n'en finit pas de descendre pour mieux remonter. A l'horizon, miracle, on apperçoit une petite bicoque ! Ce sont les carabinieros chilenos comprendre "gendarmes chiliens envoyés 30 jours consécutifs dans un poste de douane oublié du reste du monde à 4400m". Ils reçoivent les trois inconscients de l'Eldauratrèsfaim à vélo avec une hospitalité minimaliste. Nous ne crachons évidemment pas sur le demi kilo de pâtes qui nous est offert mais c'est à reculons que nous plantons la tente à l'extérieur  alors qu'il commence à faire très frais et que le vent ne semble pas faiblir. Un ordre est un ordre, il n'y a malheureusement qu'une seule personne qui décide et le chef voit d'un assez mauvais œil les trois gugusses qui troublent le calme de sa petite unité. Il passe en effet plus ou moins une voiture par jour par ce Paso délaissé, dur dur ! Nous, on n'a pas vu l'ombre d'un pare-choc depuis 24 heures: il faut le reconnaître, dés que les deux cahutes des gendarmes sont à vue, nous poussons un soupir de soulagement et comprenons que nous avons beaucoup de chance. "Je me demande bien ce qu'on aurait fait sans ça !" s'interroge Vianney dont le compteur affiche 44km à une vitesse moyenne de 9km/h. Nous attendons donc beaucoup de ce petit poste frontière qui va nous épargner, il faut le reconnaître de très très désagréables moments...



Sous ses airs de petite bête innocente, blotti derrière le bâtiment des carabinieros, le renard que vous voyez là est loin d'être un ange. En effet, alors qu'on était au milieu de nulle part, à l'abri de tout risque de vol, cette saleté n'hésite pas à chaparder les 2 chaussures de Vianney en pleine nuit, rangées sous le auvent de la tente. Mauvaise surprise pour un réveil à 4400m,  sous le brouillard et la pluie ! La guigne s'acharne sur le matériel de l'Eldorado ! 



Le lendemain, on se demande comment les carabinieros osent nous laisser repartir le ventre quasi vide et sous une pluie glaciale vers le prochain col. D'habitude, ils sont plutôt coriaces : Dans la paso de Agua Negra, on nous avait interdit l'accès à la piste après 17h car il y avait trop de risques ! Heureusement, ils nous indiquent au dernier moment qu'il y a une mine de l'autre côté du col et que nous pourrons trouver un peu de ravitaillent là bas. Une fois sur place, le trop plein de difficulté est consommé et à l'idée qu'il reste quasi 100 bornes de piste avec des cols avant la prochaine ville, nous commençons à lorgner sur un camion frigo qui s'apprête à descendre vers la civilisation. Le deal est rapidement trouvé, nous déchargeons les quelques mètres cubes d'aliments (charrier autant de nourriture quand on a aussi faim !!) et nous chargeons dans la foulée les trois vélos ! 



José, nous te devons une reconnaissance éternelle !



San Pedro de Atacama, enfin ! Au carrefour de toutes les excursions dans la région, la ville est un véritable nid à baroudeurs. Peut être un peu surfait, mais il est toujours agréable de rencontrer d'autres cyclotouristes, surtout pour finaliser notre itineraire Bolivien. Au vu de ce qui nous attend au Sud Lipez, à dans 3 semaines pour le prochain post ! 


dimanche 19 janvier 2014

Semaine 16 : Chilecito - Salta

Cette semaine, on rentre une fois de plus dans le dur du voyage ; le corps, les esprits et le matériel sont éprouvés. Les grandes étapes de 120 bornes se font de plus en plus rares et les paysages montagno-désertiques finissent par nous épuiser lors de ces 10 jours plein nord.  A cela s'ajoutent des petites tuiles qui se multiplient : casses, pertes, vols, pépins physiques et intestinaux ... Rassurez-vous, on s'est quand même sacrément bien régalés ! Moteur !



Après plus de 700km roulés depuis Chilecito, nous voilà une nouvelle fois aux portes du Chili, dans la grande ville argentine de Salta, Salta-la-Linda (Salta la Jolie) pour les intimes. Nous nous accordons quelques jours de repos bien mérités, avant de rataquer en début de semaine prochaine direction le Sud Lipez, la partie la plus désertique de la Bolivie, avec bien sûr, un joli col de plus au dessus des Andes ...



Reprenons où nous nous en étions arrêtés : le bivouac du Dakar. A l'inverse de tous les cyclos que nous rencontrons à Chilecito qui voient le Dakar comme une grosse tempête à fuir comme la peste, nous faisons tout notre possible pour en voir un maximum. On passe l'après midi à déambuler entre les stands "constructeurs" et "amateurs" où les mécanos démontent et remontent entièrment les véhicules tandis que les pilotes répondent aux questions pressantes des journalistes. L'ambiance y est bien que la tension soit palpable tant les enjeux pour les équipes sont grands. Nous passons pour d'étranges énergumènes et nos interlocuteurs affichent des mines perplexes lorsque l'on leur explique le comment-pourquoi de notre projet !



Le grand danger de ce genre de promenade est de mesurer une nouvelle fois à quel point le vélo est un moyen dérisoire de déplacement dans ces immenses contrées hostiles. On entend Vianney marmonner: "Vivent les moteurs, vivent les voitures, vivent les motos, vive la mobilette, vivent les camions, vivent les bus, vivent les quads, vivent les avions, vivent les calèches, vivent les dirigeables, vivent les bateaux, vive la vapeur, vive le pétrole, vive le nucléaire, vivent tous ces gros machins qui transpirent à notre place ! " Chacun se promet à lui même de revenir un jour en moto ou en 4x4. La vengeance est un plat qui se mange froid.




Après avoir fait face aux terribles glaciers des sommets Andins, la lutte contre les glaciers de Chilecito est un chouia plus facile . On applaudit au passage Quentin et son cornet 6 boules.



Pour notre premier jour de vélo après Chilecito, la carte nous fait un joli coup bas : la ville annoncée et que nous choisissons, bien sûr, comme halte pour la nuit n'existe tout simplement pas ... Nous voilà bien démunis et quasiment sans eau pour la soirée. On trouve finalement refuge derrière un gros rocher qui nous protègera du soleil  matinal assassin d'ici quelques heures. En attendant, l'option nuit à la belle semble s'imposer car il est 22h30, il fait nuit noire et la température n'est pas encore passée en dessous des trente degrés. Petite chronologie de ce qui suit :
22h00 : On déballe notre ravitaillement en nourriture pour ne pas se coucher le ventre vide. Heureusement, on a été un peu prévoyant.
22h13 : Les réserves d'eau sont proches du litre pour trois personnes.
22h27 : On étend les bâches pour se faire un lit douillet. "C'est incroyable, il n'y a aucun moustique par ici !"
23h34 : Alex sort l'antimoustique après s'être collé une centaine de claques.
00h47 : Les yeux grands ouverts, Quent jure tout haut, impossible de dormir."Oh le gros enf**** de Vianney, il ronfle !"
01h52 : Vianney, qui vient de faire un somme de 12 minutes craque et commence à monter une tente.
02h13 : Alex met de l'antimoustique pour la quinzième fois et s'autorise un quart de litre d'eau. "C'est quand on pense qu'on en a plus, qu'on commence à avoir très très soif...".
03h15 : Evidemment, personne ne dort, les conneries commencent à fuser. L'atmosphère se détend.
04h20 : Un vent violent emporte le sac de la tente, mais ca, on ne le sait pas encore. Toujours un peu plus de 35 degrés, et désormais moins de 25 cl dans la gourde. Il fait très soif. 
05h10 : Alex sort de la tente qu'il vient de monter pour sauver tout le campement qui commence à s'envoler sérieusement. Il revient 3 minutes plus tard des épines plein les pieds. Impossible de trouver des tongs taille 46 sur ce maudit continent. Il fait vraiment très soif. L'imagination s'emballe.
06h02 : il fait toujours 35 degrés.
06h53 : Le soleil se lève ! Ce qui signifie deux choses: on n'aura pas dormi plus d'une heure cette nuit mais on va pouvoir aller mendier de l'eau aux pick ups qui commencent à passer !!



Les vaches rythment notre route en ce début semaine. Celles-ci ont encore la chance d'être vivantes car beaucoup de leurs congénères mangent les cactus par la racine sur le bord de ces routes désertiques,  où l'unité entre deux villes se compte en centaine de km. On vous passera l'odeur de charogne qu'il peut parfois y avoir... On se demande bien à qui elles peuvent bien appartenir ! Toutes les vaches n'ont pas la chance de se trouver dans la luxuriante Pampa de la Ruta 7.



Une soir dans un village argentin comme nous en avons traversés des dizaines : le campement à peine planté, 5-6 petits curieux s'approchent. Au début, ça marmonne dans son coin, ça chuchotte tout doucement, et puis progressivement, au bord du feu de bois, les éclats de rire viennent se méler aux grands sourires ! ! Qué lindo ! 



To ride or not to ride, that is the question !




Grosse déconfiture ce matin pour l'eldorado à vélo ! Après une nuit dans le camping municipal d'un gros bled, de nombreuses pièces de notre petit matériel manquent à l'appel : 3 fourchettes, les pinces-manches des gamelles (très très utiles), notre unique couteau suisse (lourde perte), un couteau "Germinal" à très forte valeur sentimentale, deux illustres gourdes dont La German (cadeau de notre ami chilien German) et La Cuve ( 2L de contenance, un vrai chateau d'eau), un étui à gamelle et enfin deux casques de vélos made in Germany... En 20 secondes on dresse la liste du butin de nos voleurs tant nous connaissons notre matériel sur le bout des doigts ! Qu'il est rageant de se faire voler ces petites choses quand on voyage avec presque rien ! Voler des cyclotouristes ! C'est vraiment pas fair play. Mais qu'est ce qu'ils peuvent bien faire d'un étui à gamelle ? " Non mais Allô ?! " Difficile de faire le portait robot des malfaiteurs car s'ils avaient été cyclistes, bien d'autres petites merveilles auraient pu partir (pompes, e-werk). Il est tentant d'accuser d'autres campeurs mais que feraient-ils de casques de vélos ? En deux mots, une fois l'hypothèse de types saouls écartée, il ne reste que l'option du vol pur et simple à vue de revente. Là dessus, dans la même journée, le pneu arrière d'Alex commence à se déchirer, de même que son unique short (grosse session couture à la frontale, y compris pour le pneu !)  deux crevaisons lentes et la casse d'une attache rapide de roue arrière viennent noircir le tableau de ce dimanche noir. Ce que ce larcin nous aura coûté de plus cher, au delà de notre matériel est peut être notre tranquillité et la remise en cause de l'immunité cyclotouristique...!



Eh oui, qui dit été, dit saison des pluies ! On prend deux grosses draches sur le coin de la figure lors des précédents jours. Trois minutes plus tard, les "rio" (rivières) débordent. Rien de tel pour repeindre l'équipement rouge mat. Honnêtement, c'est toujours très amusant à traverser.



Plus les latitudes diminuent, plus le côté latino se fait sentir. On ne compte plus les villages pittoresques dont les rues ne sont que de simples pistes et que les larges lits des rivières, témoignant de la violence des crues, coupent en deux. Jeunes et moins jeunes métissés chiquent de la coca (ce qui les rend souvent imcompréhensibles) attablés autour d'un poste de radio datant de la guerre. Les vieilles Peugeot sont toujours plus vielles, de fiers cavaliers passent de temps à autres et les chiens dorment accablés de chaleur à l'ombre des kiosco (les mini épiciceries locales). Voici à quelques détails près, l'ambiance rurale du nord argentin. Il faudrait aussi évoquer les malheureux fruits des étales, les ballons d'eau (de pluie ?) sur les toits et les bicyclettes d'une autre époque qui nous rappellent le Maroc. Ce lundi, nous campons chez Jorge qui n'a plus qu'une paire de dents mais qui arrive tout de même à nous gratifier d'immenses sourires tout en nous apportant de la glace en bouteille, cadeau de bienvenu par ici où il fait si chaud.

"Ce qui me fait peur c'est de voir des champs si grands et de les voir tous revenir la bêche sur l'épaule !" Q. W.



"kilikili ! Ah ! Le beau petit lama, il est gentil le petit lama !
- Toi faire attention Señior...
- Et bien quoi ? Je ne vais pas me faire manger tout de même ? Hein dis mon brave petit lama, tu n'as pas peur du bon vieux capitaine Haddock ?

[...] Se passe ce qu'il doit se passer.

- Quand Lama fâché Señior, lui toujours faire ainsi !"



Grosse chaleur au pays des sommets de la crasse. Chaque semaine, il y a un moment où on tombe un peu plus bas que la semaine passée. C'est comme l'altitude, question d'accoutumance.



Le cuistot en chef. Les oignons tremblent lorsqu'il dégaine son opinel.



Après les vaches semi-sauvages, voilà les mulets ! Dodus et robustes, bienvenu dans la savane argentine !



De temps à autres, notre route se transforme subitement en un large chemin poussiéreux, où la vitesse à vélo dépasse péniblement les 15 km/h. Et pourtant, nous sommes bel et bien sur la légendaire Ruta 40, cet immense serpent qui longe les Andes sur plus de 5.000 bornes jusqu'en Patagonie !



C'est en sortant de la petite bourgade d'Amaicha del Valle, connue pour ces soit disant 360 jours d'ensoleillement par an,  que la pluie vient à notre rencontre. Vianney nous demande si nous sortons notre coupe-vent,  grande première depuis l'étape entre Cluny et Lyon ! La saison des pluies commence !



Quelques mots sur les empanadas, ces délicieux chaussons fourrés au fromage ou à la viande, spécialités de l'Argentine et plus précisément du nord argentin. Jamais ô grand jamais elles n'ont failli à leur difficile tâche lorsque, après une très rude journée, nous leurs avons fait appel pour rassasier 3 sportifs en mal de petites chateries.



Les étapes ne sont guère palpitantes à l'approche de Cafayate contrairement à ce qu'on nous avait dit. En même temps, ce n'était que les recommendations d'un brave type complètement rôti à la tequila. Heureusement, les décors changent radicalement une fois que nous dépassons la ville, sorte de woodstock des backpackers soit dit en passant. Si Cafayate draine tant de monde c'est que la Quebrada de las Conchas, un peu plus au nord, est très célèbre.



Nous pédalons ainsi dans 50 km de cayon aux parois rougeâtres plus magnifiques les unes que les autres. Les étrangetés ne manquent pas au bord de la route: Obélisque, crapeau, arche naturel, la nature a beaucoup d'imagination ! Petit bémol à cette belle étape, Vianney fait une rechute d'indigestion-insolation-mystérieuse infection parasitaire. C'est à 20% de son potentiel et sous alternativement un soleil de plomb et une pluie battante qu'il peine à avaller les 80 km obligatoires de montagnes russes jusqu'au prochain et unique bled du coin. On lui tire notre chapeau car il n'a vraiment pas la mine des grands jours !



Nième photo de famille !



L'ultime fantaisie minérale que nous croisons le long de cette vallée est un cirque de pierre,  où nous trouvons refuge pour la sieste post-prendiale quotidienne. Nous nous laissons envoûter par ce cadre enchanteur avant de se faire réveiller par un indien venu profiter de l'acoustique pour jouer de la flûte de Pan et du Ukulélé. Au bout de 3 heures, il est grand temps de partir !



Lui, le bel homme en culotte courte, c'est Philippe. Uluberlu-spléologue-marathonien-géologue-banquier tout droit sorti du Médoc, à l'accent chantant et ne parlant pas un mot d'espagnol ni d'anglais est très très très soulagé de pouvoir nous raconter sa vie dans le "bon français" (dixit lui-même) ! On l'aurait bien invité à dîner avec monsieur Brochant ... !



Les abords de Salta nous surprennent. "Tu verras, on mangera du sable jusqu'en Bolivie", comme on disait à Chilecito. Que nenni ! Au fur et à mesure de notre avancée dans le nord, les plaines verdissent,  la vigne réapparaît. Les Andes se couvrent d'arbres et l'horizon se dégage pour faire place à de larges champs de tabac. L'architecture devient aussi de plus en plus typique avec de grandes fincas (propriétés) aux arches blanches,  digne des meilleurs épisodes de Zorro. Nous plongeons à travers le temps jusqu'à revenir à l'époque de la colonisation espagnole !



Vous l'aurez reconnu, le Pharaon de Merzouga est de retour ! La campagne, c'est magnifique ! Les vignes ont enfin remplacé la poussière du désert ! La chaleur, elle, est en revanche toujours bien là ... 



Enfin, Salta-la-Linda ! Chilecito-Salta, vous avez sans doute entendu ces deux noms de villes sur France 2 cette semaine car c'était deux étapes pour le Dakar, parcourue en 2 jours pour les participants. Ça nous a pris 10 jours, mais sans équipe technique.



Nous voici finalement à l'affreux mais typique camping-club-vacances de Salta. Après 10 jours à manger de la poussière, on n'est vraiment pas exigeant en matière d'hébergement. Objectif : se remettre d'aplomb en essayant de faire abstraction de la musique - bien grasse comme une empanada - que crachent les autoradios du millier de voitures présent dans le "camping". Heureusement, on fait la rencontre de deux cyclos australiens venus de Colombie, qui nous font rêver pour la suite du voyage ! 

Hasta Luego !