lundi 18 novembre 2013

Semaine 7 : Fès - Merzouga - Ouarzazate

Comme le disent les brochures sur le Tafilalet (immense région s'étendant de Meknès au sud est du Haut Atlas, jusqu'à la frontière algérienne), notre septième semaine a été celle de tous les extrêmes. De Fès à Ouarzazate, en passant par Ifrane et Merzouga, nous avons traversé le Moyen Atlas, puis le Haut Atlas, roulé emmitouflés entre les grands cèdres, poussé nos vélos le long des dunes sahariennes et peiné face au vent des hauts plateaux du sud Atlas ! Un vrai pack pour élevage intensif de touristes. Pas cher, pas cher, good price for you, pas le prix américain, le prix marocain ! Les jours ont donc été à peu près aussi variés que les pages d'un catalogue de voyage. Certains ont été froids, très froids, d'autres plutôt chauds, quelques  uns entre 1800m et 2200m et d'autres bien bas, le long des oasis de la vallée du Ziz. Malgré nous, nous avons emprunté le même chemin que la plupart des touristes... Et il nous arrive de nous faire doubler par un campingcar de retraités bretons ou auvergnats ! Cela dit la plupart des voitures immatriculées en France que nous croisons sont en réalité des marocains revenus au Bled, qui ne manquent pas de nous faire de grands signes les pouces levés !



Seules constantes à toutes ces variations : le ciel bleu, les rencontres et la couche de crasse qui s'épaissit de jour en jour sur notre peau... Les points noirs sur la chemise (le porteur désire rester anonyme) sont bien des mouches. Triste record de 11 jours sans se laver à battre...



Nez pelés, lèvres gercées, barbes naissantes et estomacs à l'envers: on rigole bien devant les photos du canal de Bourgogne !



Les géographes que vous êtes l'auront compris : nous n'avons finalement pas choisi l'itinéraire le plus court (par Khénifra et Béni Mellal) et le moins montagneux pour relier Fès à Marrakech que nous atteindrons très probablement dans deux jours, dixit capitaine JLF. Ces neufs jours consécutifs de vélo à haute dose (850 km) ont été sans aucun doute les plus durs de ce début de périple ! Et Alexis qui se plaignait que notre voyage était jusqu'à maintenant trop facile...



Reprenons où nous nous en étions arrêtés au précédent article : Fès et sa pension à 5 euros la nuit où nous faisons un plein (d'eau...) avant de partir. Depuis notre arrivée au Maroc, quand nous n'achetons pas d'eau minérale, nous devons filtrer quasiment toute notre consommation. Les quelques fois où le "waaa ça passe" (comprendre boire directement l'eau du robinet) l'a emporté sur la motivation de pomper pendant 10 minutes se sont soldées en d'inquiétants concerts gastriques... 



Dimanche 10/11 : non, nous ne sommes pas revenus en Europe ! La traversée du Moyen Atlas, par la région d'Ifrane est très surprenante. Les chalets à la mode suisse, l'université huppée et les pins nous donnent le sentiment d'être à Gstaad ! Une sorte de non-dépaysement au milieu de tout le reste. Malheureusement, la douleur au genou d'Alex vient lui saccager le plaisir de pédaler pour cette étape de reprise. Un peu comme cela s'était produit après la pause à Valence. Les étapes montagneuses passent assez mal pour des articulations s'étant brièvement reconfigurées à la marche à pied... Si , si, c'est scientifique !



Le 10/11: l'Ifrane ski club, domaine quasi privé de sa majesté Mohammed VI ! 



Une pensée très émue à Cro-Magnon et tous ses potes qui ont fait ça TOUTE leur vie.



C'est beaucoup, beaucoup moins marrant en vrai.



Autre surprise, qui n'en est pas vraiment une d'ailleurs, la nuit, à 2000m, il gèle. Douloureux réveil que celui où il faut faire fondre l'eau des gourdes près du feu... La soirée de la veille avait déjà été consacrée à la survie. La mission: aller chercher du bois à un bon kilomètre (et à travers un foutu pierrier) assez rapidement avant que le soleil ne se couche et que le mercure ne chute en dessous de zéro. Ensuite, faire la popote et dîner à 30cm du feu, mettre de la musique "facile" et danser, toujours à 30cm du feu...



Le lendemain, sur le route d'Errachidia, une rencontre plus qu'improbable au détour d'un virage dans le Haut Atlas: deux japonaises hautes comme trois pommes bardées de matériel. Cela fait chaud au cœur ... de voir des cheveux de femme...!!



On n'a pas fini d'apprécier les plaines entre le Moyen Atlas et le Haut Atlas: un, elles sont belles, deux, elles sont plates !



Les gorges du Ziz, le grand canyon marocain !



Nous enchaînons les grosses étapes jusqu'à Merzouga pour honorer notre rendez vous à Marrakech (amis géographes, on va vous expliquer). L'envie d'aller voir l'Erg Chebbi (désert de sable) et les fameuses dunes de cette ville du bout du monde exige un "petit" détour par le sud du Haut Atlas. Pas évident de se résoudre à faire des kilomètres gratuits alors que l'idée de "voyage" suggère de rallier plus ou moins directement deux points coûte que coûte et non pas de donner le bâton pour se faire battre en faisant des ronds dans l'eau... Nous débattons: le touriste et le voyageur sont-ils des frères ? Des cousins ? Des bons potes ? De lointaines connaissances ? D, la réponse D.



Erfoud, la capitale de la datte, après quatre jours de montagne. Nous sortons de la ville par la grande porte pour trouver refuge dans une oasis aux allures de carte postale. 
Spéciale dédicace à notre amie séméaquaise : Sachant qu'un rameau de dattes à 40 Dirhams comporte 250 dattes, qu'Alexis en digère 35 par heure, et qu'il crache un tiers des noyaux sur le bas-côté avec un vent de 27 noeuds, qu'un palmier dattier mature en 7 ans, quel sera le bénéfice pour la vallée du Ziz dans 100 ans ?   


Le matériel et les nerfs sont mis à rude épreuve. Chaque matin, nous attendons les premiers rayons de soleil avec impatience. N'oublions pas le dicton, ce sera pire en Bolivie, quand le soleil aura définitivement disparu.



Cycling on the moon ! 



Ceci n'est peut être qu'un avant goût du Dakar que nous espérons croiser en Amérique du sud, (surtout s'il y a Gérard Holtz, cocorico). "Eh t'as vu, elles sont trop cool les sacoches en alu !" 



La djellaba est un cadeau du désert: le pari, faire les 40 bornes de piste restantes jusqu'à Merzouga avec ce gros sac à patates sur le dos. Beaucoup plus intéressant, au loin quelques aimables quadrupèdes à bosse: des dromadaires !!

Pour les toxicos, une autre manière d'apprécier les Camel...


Petit rectificatif sur les routes marocaines: si les nationales, les "rouges" sont plutôt correctes, nous ne pouvons pas en dire la même chose des "blanches" (en réalité des pistes) avec lesquelles nous flirtons sur la route de Merzouga. Nous faisons connaissance avec la fameuse "tôle ondulée" tant redoutée dont parlent Tesson et Poussin (On a roulé sur la Terre). Pour les non initiés, il s'agit d'une succession de bosses formées par le vent et durcies par le passage des 4X4, (quasi absentes de la photo, dans ces moments là on sort rarement l'appareil). Au fait, pour la djellaba, pari tenu !



14/11: Merzouga, avant dernière ville de la petite route en cul de sac qui conduit à la frontière algérienne vaut tout de même le crochet. Les dunes sont magnifiques et puis surtout on s'imagine le passage de Jean Michel Jarre pour un spectacle de sons et lumières dont tout le monde parle ici dix ans après !



Les rabatteurs, chauffeurs de 4x4 et chameliers sont aussi tenaces que les mouches (cf photo1) et il est difficile de garder son calme quand on a mangé du sable toute la matinée et qu'on a aucune envie de mettre 150 euros dans un rodéo de Mitsubishi. Une seule solution, se camoufler !



Aujourdhui, vendredi 15/11, le Maroc ne nous a jamais paru si authentique et agréable à vivre qu'entre Erfoud et Tineghir. Les villages vides de touristes grouillent de jeunes marocains à vélo allant ou revenant de l'école (vraiment impossible à déterminer), de marmots courant à notre rencontre pour demander des stylos et des bonbons, de groupes de jeunes filles voilées nous adressant furtivement des regards curieux et des sourires timides (sans doute le flirt à la marocaine) et surtout de ses messieurs occupant les innombrables terrasses des cafés toute la journée ! Ajoutez à cela un souk, quelques ânes et de la poussière en suspension et vous êtes vraiment dans l'ambiance. 



Nous décidons de finir la journée assez tôt dans un gros bourg, Tinedjad, pour prendre le temps de profiter de l'après midi et de la soirée. Pour tout vous dire, il y a France-Ukraine ce soir et aucune ville de taille respectable à moins de 35 km. Nous ne pouvons quand même pas prendre le risque de terminer dans un bled paumé sans café-terrasse équipé du décodeur qui va bien ! Et puis il n'y a rien de tel que le foot pour se faire des copains et passer une bonne soirée. Le moment de solitude, c'est le coup de sifflet final; nos 56 potes rentrent derechef chez eux, nous nous retrouvons seuls avec les barmans, qui... nous proposent un toit et quelques couvertures pour la nuit. L'hospitalité marocaine est définitivement  infaillible !



Deux invités surprise sont de la partie pour la suite de notre transit vers Ouarzazate: le vent et l'"indisposition digestive" du soldat Vianney. L'étape du samedi est laborieuse, le vent, ce redoutable ennemi invisible et imprévisible nous contraint à abréger la matinée après 35 km à 12km/h sur du plat... Nous alitons notre malade dans un village berbère et, d'humeur morose, nous voyons d'un assez mauvais œil les 12 gamins qui rappliquent avec une furieuse envie de nous taquiner. À la longue, ils sont épuisants ! Heureusement, les grands frères arrivent à leur tour et très rapidement, la machine de l'hospitalité se met en marche. 5 minutes plus tard, deux gaillards dressent une table au coin même de la rue que nous occupons et on nous apporte du thé, du miel, du pain, un étrange fromage de vache et surtout un couscous ! L'aimable cuisinière, une grand mère édentée passe en coup de vent nous demander ce qu'on en pense et rentre chez elle aussi vite qu'elle venue sous une pluie de "choucrane". Ici, l'accueil des étrangers est réservé aux hommes... La joyeuse bande nous emmène dans l'arrière pays visiter leur village tout en nous faisant un cours de berbère. L'ambiance est radicalement différente de celle des gros centres où l'économie du tourisme sape à la racine les chances de rencontres sincères ! Abdullah !



Le fameux couscous, introuvable dans les restos typiques comme dans les gros trucs à touristes. Il n'y a que au sein des familles qu'on le mange ici !



Second ennemi après le vent, le froid. Nous en avons eu un bref aperçu à Ifrane, mais ce n'est rien comparé à ce qui nous attend dans la vallée du oued Dadès, entre Tinghir et Ouarzazate. Nous avons avons voulu faire les malins à aller au Maroc en novembre, il faut désormais assumer. La saison nous a rattrapé au tournant du désert. Le thé chaud à 5 Dirhams devient désormais une pause nécessaire pour éviter de congeler sur place.



"Cheeeeese ! Souriez quoi, les gars !" Il fait 2 degrés et il y a 80 km/h de vent et aucune ville à moins de 30 bornes. Le vent n'a pas fini de nous tourmenter : Il descend du Haut Atlas pour s'engouffrer à pleine puissance dans la vallée que nous suivons jusqu'à Ouarzazate, une vraie plaie. Allez, plus que 60 maudits km avant la douche chaude de Ouarzazate !



aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhh ... see you next week !