jeudi 30 janvier 2014

Semaines 17 & 18 : Salta - Paso de Sico - San Pedro de Atacama

Au risque de répéter une n-ième fois l'accroche du post, on peut affirmer sans hésitation que les huit jours qui viennent de s'écouler furent les plus difficiles de tout le voyage ! Il faut dire nous avions pris la confiance en traversant deux fois les Andes sans pépin et lorsqu'il a fallu choisir entre deux cols (le paso de Jama et le paso Sico) pour rejoindre de nouveau le Chili, on a opté, la fleur au fusil, pour l'itinéraire sans asphalte, celui de Sico. Nous partons donc à l'aveuglette sans autre information que notre modeste carte de l'Argentine à l'attaque d'un col indiqué à "seulement" 4100. "Fastoche les gars, en plus, comme il n'y a pas de goudron, il n'y aura personne, on va être pénard; Et puis d'autres l'ont fait avant nous !". Ce qu'on ne savait pas c'est qu'on allait passer 4 jours, un peu trop seuls au dessus de 4000 m à enchaîner les cols jusqu'à la descente vers le Chili. Moralité, après deux cols à 4100, un autre à 4300, trois autres à plus de 4500, un bel orage et surtout une petite frayeur sur notre autonomie en eau et en nourriture, l'Eldorado à Vélo abdique et s'offre un petit tour de camion-stop. Une fois n'est pas coutume mais on peut parler d'une bonne claque dans les dents ! Retour en images sur ces 10 jours !



Notre dernière partie de saute-mouton avec les cols Andins, illustrée par une belle carte Google. Au final, de Salta à San Pedro de Atacama, 330 km de vélo vraiment pas faciles (points A à G), avant 180 bornes dans notre camion salvateur.



A Salta "Capital", on profite de notre pause prolongée pour toutes les petites réparations qui traînent depuis des jours. Il suffit d'entrer chez le premier artisan et pour un euro symbolique on ressort avec un short recousu de toute part, un double toit dont la fermeture éclaire coulisse de nouveau (très pratique) et une béquille solidement fixée au cadre après extraction d'une vis récalcitrante. Sous les yeux d'un Quentin ébahi, le type de la photo répare en un clin d'œil la maudite fermeture éclair qui empêchait jusqu'à présent toute sortie de tente précipitée ...!



Le camping de Salta est le meilleur endroit de la ville pour faire des rencontres, notamment des jeunes mochilleros -voyageurs en sac à dos-, comme cette bande de joyeux lurons venus de Buenos Aires qui nous font redécouvrir le visage de la jeunesse Argentine !



Salta est aussi l'occasion de partager des moments de musique latino intenses,  avec ses rythmes envoûtants, autour de pizzas maisons cuites à l'asado. Un régal pour l'estomac et les oreilles!



La veille de notre départ de la capitale du nord argentin, on profite de nos dernières heures de repos pour apprécier comme il se doit le folklore local, en pleine exhibition ce jour-là sur la plaza central. Sur la place, on compte autant d'appareils photos que de glaces 3 boules... 



Allez, cette fois-ci, c'est la bonne ! Les vélos comme neufs, les tentes réparées et le moral au top, on quitte Salta ce 23 janvier, pour s'engouffrer une fois de plus dans les interminables vallées de la Cordillère. On profite des premiers km pour faire un ultime plein de verdure à 1.500 m d'altitude !



La route nous fait rapidement entrer dans les entrailles de la bête Andine, via la magnifique Quebrada del Toro que l'on suit une bonne 50 de km (on appelle ici Quebrada ces immenses vallées déchiquetées par l'érosion, comme ici ou au nord de Cafayate). 



Les 80 "k" de montée depuis Salta (comme disent nos copains australiens Paul et Lisette avec qui nous avions échangé des morceaux de cartes routières contre des feuilles de routes boliviennes pour cyclo suicidaires) sont fatals pour le genou d'Alex. Cette foutue articulation n'aime définitivement pas les jours de reprises et c'est claudiquant qu'il se dirige en fin de journée vers l'église dans laquelle nous n'allons pas tarder à être chaleureusement invités à passer la nuit. Nous avons la grande chance de tomber par hasard sur une mission franciscaine (des jeunes en retraite dans la Cordillère pour 15 jours) dont les très généreux membres, Juan Pablo, Maria-Lourdes, Santiago, Camilla et tous les autres nous ouvrent grand les portes. Bilan, pas de tente à monter, pas de réchaud à faire fonctionner, pas de logistique alimentaire à penser et surtout, une très bonne soirée !

 ! Amigos de San Juan, muchissimas gracias por su hospitalidad y su alegria en la vida !



La petite église en question, transformée pour l'occasion en hotel 4 étoiles (au moins!). 



Le lendemain, nous repartons chargés de beaucoup trop de cadeaux comestibles à l'assaut de notre col mais le genou précédemment cité n'est toujours pas d'accord (comme s'il avait un mauvais pressentiment... on devrait être plus à l'écoute de notre corps !). 15 km plus tard nous retrouvons nos hôtes de la veille avec qui nous passons une journée de plus à prier pour un rétablissement rapide. 



Pas moins de trois messes, une invitation à dormir dans les lits des pensionnaires du lycée voisin partis en vacances et une injection de cortisone dans les féfesses sont nécessaires à une convalescence rapide ! Le fou sur la photo c'est l'infirmier à qui Alex s'en remet corps et âme. "La fe, hay que tener la fe !!" ("La foi, il faut avoir la foi !") Tels sont les mots de Luis lorsqu'il dégaine une seringue longue comme deux index. Heureusement, "la salud es publica aqui en Argentina", les soins sont prodigués à qui en a besoin, et qui plus est, sur le champ. Alex repart avec une telle douleur à l'arrière train qu'il en oublie presque son genou. Redoutable.



La cortisone (ou les prières ? ou les deux ?) se révèle bougrement effiace, et le lendemain, dès 10h, notre petit peloton repart plein d'entrain à l'assault des routes poussiéreuses de la Cordillère. Au passage, les paysages se font de plus en plus majestueux.



Oh les jolis lamas !



Cette bête nous est définitivement très très sympathique.



Un col, un ! "Tiens, il nous reste encore 200 bornes avant le Paso, et on est déjà à 4100 m d'altitude ?" Les premiers doutes commencent à planer ...



Nous ne mettons pas seulement des photos idylliques car ça serait mentir que de dire que nous voyons que des choses extraordinaires depuis 4 mois... C'est le cas notamment lors de notre arrivée dans la petite ville de mineurs de San Antonio de Los Cobres où nous faisons un bon dans le temps,  à l'époque de Germinal (petite dédicace à feu le couteau d'Alex) : nous sommes accueillis par un ivrogne,  nous faisons face à de la mendicité de la part d'enfants pour la première fois en Argentine, la pluie commence à tomber et transforme les rues en torrents, nous ne parvenons pas à relever un cycliste écroulé à terre par abus de stupéfiants  ...



Et pourtant, tout n'est pas noir à San Antonio de los Cobres !  La légendaire hospitalité des Bomberos ( les pompiers volontaires) est ici aussi une réalité, ce qui nous permet de passer la nuit dans une magnifique suite de 4m par 3, tout confort garanti.



A mesure que nous prennons de l'altitude, la route se fait de plus en plus vilaine. Mauvais présage ...



Nous profitons de notre ignorance de la difficulté du Paso Sico pour nous accorder un détour au Viaduc de la Polvorilla, situé à 4.200m d'altitude et faisant partie de l'ensemble du Tren de las Nubes - le Train des Nuages-. Il s'agit d'une des voies ferrées les plus hautes du monde, construite sous la houlette d'un certain ouvrier yougoslave qui deviendra quelques années plus tard un certain Tito... Au passage,  ça nous a valu un petit col à 4100m. Le second d'une longue série...




Les montagnes sont les derniers lieux où subsitent encore la culture indigène provenant de la civilisation inca, comme la Pachamama. Pour faire simple, la Pachamama est un dieu qu'il faut honorer en lui offrant une partie de ce que l'on consomme. Du donnant-donnant en quelques sorte, comme l'illustre la photo ci-dessus.



Voici notre dernière trouvaille alimentaire,  mise en valeur par notre charmant Alex : le Tang. Ça n'a pas l'air très bon à première vue, mais cette poudre aromatisée nous permet d'atteindre les 5.000 k calories nécessaires par jour pour pouvoir tenir sur les pistes andines. En plus, ça ne pèse presque rien donc pourquoi s'en priver?  Tang,  pour rester mince,  sauf dans sa tête.



Olacapato, autre village dont la seule raison de vivre est la mine voisine, et ultime refuge de l'humanité avant la frontière. C'est donc le dernier point de ravitaillement pour l'Eldaurafaim à vélo. Première mission, faire du shopping. Et comme chaque fois qu'on fait des emplettes après un solide petit dej, nous visons largement en dessous du nécessaire avec l'illusion propre au sentiment de satiété qu'il sera facile de se serrer la ceinture. Hahaha. Deuxième mission, branlebater la moitié des habitants pour dégoter les précieuses feuilles de coca qui font oublier la faim et l'altitude. Les chiques de coca mêlées au bicarbonate de soude (recette locale) nous donnent l'air intelligent caractéristique des rongeurs. Bienvenu chez les hamsters !



Troisième mission, négocier une paire de lunettes à un mineur du coin, celles d'Alex reposant en pièces détachées dans le col précédent.



La petite pause d'Olacapato derrière nous, on s'élance dans ce qui devait être notre sprint final vers la frontière chilienne. Une fois de plus, un petit col surprise à plus de 4.500 se dresse devant nous... On commence à vraiment sentir l'entourloupe. Les paysages n'en restent pas moins incroyables !



Le fameux troisième col en question ( ou quatrième, on ne sait plus vraiment ... ). Au passage, la tempête commence à donner de la voix derrière nous. Croyez-nous, entendre le tonnerre éclater à 4500m d'altitude, au milieu de nulle part, ce n'est vraiment pas ce qu'il y a de plus rassurant.



Alors que l'eau monte doucement dans l'abri de fortune surgi au détour d'un virage, nous regrettons amèrement de n'avoir pas emmené une petite flasque de Fernet. Malgré les apparences, l'aimable SDF ci-dessus n'a pas ingéré une seule goutte d'alcool. Envoyez vos dons. 3615 Orage dans les Andes.



Sur les hauts plateaux andins, alors que la tempête de la veille a disparu depuis quelques heures, nous découvrons notre premier Salar, un immense désert de sel planté au milieu des montagnes à plus de 4000m d'altitude : inoubliable !



Seuls au monde, comme jamais !



Après les cols surprises, le vent surprise ! Le compteur reste bloqué à 7km/h, que du bonheur. Quelques kilomètres plus loin, on se terre dans un trou à 4000m, alors que la douanne argentine apparait au loin. Impossible de faire les ultimes hectomètres.



"Ca, un col ?!  Et devant, c'est quoi ??!" L'amertume est bien au rendez-vous au moment de passer la frontière argentino-chilienne, bien conscients que la grande descente pour le Chili, ce n'est pas encore pour tout de suite !

 ¡ Dejamos en Argentina muchos amigos, de Vedia a Alfarcito, pasando por Mendoza y Salta, que no vamos a olvidar !  ! Muchas gracias a vosotros por su hospitalidad, su amistad y su ayuda !



Le chemin de croix.



5ème ou 6ème jour d'ascenscion : le col est derrière nous, mais la route n'en finit pas de descendre pour mieux remonter. A l'horizon, miracle, on apperçoit une petite bicoque ! Ce sont les carabinieros chilenos comprendre "gendarmes chiliens envoyés 30 jours consécutifs dans un poste de douane oublié du reste du monde à 4400m". Ils reçoivent les trois inconscients de l'Eldauratrèsfaim à vélo avec une hospitalité minimaliste. Nous ne crachons évidemment pas sur le demi kilo de pâtes qui nous est offert mais c'est à reculons que nous plantons la tente à l'extérieur  alors qu'il commence à faire très frais et que le vent ne semble pas faiblir. Un ordre est un ordre, il n'y a malheureusement qu'une seule personne qui décide et le chef voit d'un assez mauvais œil les trois gugusses qui troublent le calme de sa petite unité. Il passe en effet plus ou moins une voiture par jour par ce Paso délaissé, dur dur ! Nous, on n'a pas vu l'ombre d'un pare-choc depuis 24 heures: il faut le reconnaître, dés que les deux cahutes des gendarmes sont à vue, nous poussons un soupir de soulagement et comprenons que nous avons beaucoup de chance. "Je me demande bien ce qu'on aurait fait sans ça !" s'interroge Vianney dont le compteur affiche 44km à une vitesse moyenne de 9km/h. Nous attendons donc beaucoup de ce petit poste frontière qui va nous épargner, il faut le reconnaître de très très désagréables moments...



Sous ses airs de petite bête innocente, blotti derrière le bâtiment des carabinieros, le renard que vous voyez là est loin d'être un ange. En effet, alors qu'on était au milieu de nulle part, à l'abri de tout risque de vol, cette saleté n'hésite pas à chaparder les 2 chaussures de Vianney en pleine nuit, rangées sous le auvent de la tente. Mauvaise surprise pour un réveil à 4400m,  sous le brouillard et la pluie ! La guigne s'acharne sur le matériel de l'Eldorado ! 



Le lendemain, on se demande comment les carabinieros osent nous laisser repartir le ventre quasi vide et sous une pluie glaciale vers le prochain col. D'habitude, ils sont plutôt coriaces : Dans la paso de Agua Negra, on nous avait interdit l'accès à la piste après 17h car il y avait trop de risques ! Heureusement, ils nous indiquent au dernier moment qu'il y a une mine de l'autre côté du col et que nous pourrons trouver un peu de ravitaillent là bas. Une fois sur place, le trop plein de difficulté est consommé et à l'idée qu'il reste quasi 100 bornes de piste avec des cols avant la prochaine ville, nous commençons à lorgner sur un camion frigo qui s'apprête à descendre vers la civilisation. Le deal est rapidement trouvé, nous déchargeons les quelques mètres cubes d'aliments (charrier autant de nourriture quand on a aussi faim !!) et nous chargeons dans la foulée les trois vélos ! 



José, nous te devons une reconnaissance éternelle !



San Pedro de Atacama, enfin ! Au carrefour de toutes les excursions dans la région, la ville est un véritable nid à baroudeurs. Peut être un peu surfait, mais il est toujours agréable de rencontrer d'autres cyclotouristes, surtout pour finaliser notre itineraire Bolivien. Au vu de ce qui nous attend au Sud Lipez, à dans 3 semaines pour le prochain post !