Oh la vilaine semaine ! Ce qui devait être, au lendemain de Noël, une promenade d'agrément le long de la côte chilienne se transforme rapidement en calvaire sans nom. On se voyait déjà dormir au bord du Pacifique tous les soirs, prendre des bains à l'occasion et surtout suivre le relief clément de la côte. L'organisation autoroutière chilienne en a décidé autrement: seule une grosse autopista suit cet itinéraire de rêve et nous voilà contraints à passer par l"intérieur" du pays. Après une tentative de trois jours, on finit par abdiquer face aux trop nombreuses côtes interminables d'une région plus qu'inhospitalière. Ces pentes sans fin nous cassent en deux, ridiculisent notre progression sur la carte et compromettent ainsi le rendez vous à la Serena pour le réveillon... Coup dur alors que nous venons de traverser les Andes ! La semaine prolongée se termine plateau 3 sur la bande d'arrêt d'urgence de la Ruta 5 Norte. Elle avait pourtant si bien commencé par une fête de Noël -pourtant si loin des familles- des plus originales et des plus sympathiques !
Retour sur ces 10 jours et 700 km de contrastes et de découverte du Chili... rural !
Beaucoup trop de points sur cette carte (petit mémo, un point=une étape) ! Vous noterez la disproportion des différents segments de cet itinéraire et le grand n'importe quoi du tracé ... Entre les nuits D et G, notre vaine tentative de remonter le Chili par la montagne, rapidement corrigée par un retour sur la côte.
La halte de Santiago terminée, nous reprenons la route direction le Pacifique. Au détour d'une grosse montagne (il n'y a que ça ici) nous tombons sur un cavalier en habit traditionnel chilien coiffé d'un grand sombrero, chaussé de bottes aux d'éperons redoutables et portant un poncho plié au carré sur l'épaule gauche. La surprise est de découvrir les dizaines d'autres caballeros venus des quatre coins de la région pour disputer le rodéo local. Après un cérémonial à rallonge (présentations des coureurs, lever des couleurs...etc) la compétition commence !
On ne regrette absolument pas l'attente car lorsque le but est de coincer une vachette surexcitée le long de l'enceinte, croyez nous, c'est plutôt sport. Amis des bêtes, pas de sourcils froncés s'il vous plaît, il n'est en aucun cas question de blesser l'animal !
Le miracle de la croissance au Chili a fait pousser des dizaines de lotissements sur les bords des routes du pays. C'est la promesse d'une vie confortable pour la classe moyenne, mais la répétition presque à l'infini d'un même modèle de maison nous donne le vertige le long de la route entre Santiago à Valparaiso.
Apres 2 jours de vélo depuis Santiago, nous parvenons enfin a Valparaiso ! Pacifique, nous voilà !
Valparaiso - Valpo pour les intimes - ne ressemble en rien aux autres villes du Chili. C'est un monde à part, accroché à flanc de colline où se côtoient des autochtones aux mollets d'acier et des touristes pendus à leur appareils au milieu de maisons bigarrées. C'est un peu San Fransisco revisité par Berlin. La neige a laissé place à la pluie et au brouillard. Nous profitons de la chaleur (humaine!) et du cadre d'une auberge de jeunesse pour nous reposer quelque peu et nous remettre de notre arrivée périlleuse dans la ville (l'Eldorado à vélo a failli se terminer à deux à cause d'un bus fou) ainsi que pour... fêter Noël !
La voiture attire l'attention au premier abord mais c'est le panneau sur la gauche qui nous intéresse: les préoccupations d'un pays dont la côte est si étendue et la montagne si proche nous sont plutôt étrangères. Les locaux miment d'ailleurs avec brio ce qui se passe pendant un tremblement de terre et préfèrent en rire !
Alex n'est jamais vraiment parti de Berlin est.
Cette chose, ce bijoux de gastronomie, cette perle chilienne, c'est la churillana. Elevée ici au rang de plat national, elle se compose tout simplement de grosses frites, de boeuf haché, de fromage fondu et d'oignons poelés. Une merveille de légereté pour notre 23 décembre !
A défaut de passer les fêtes avec nos proches, réunis autour d'un bon feu et d'un chapon aux marrons accompagné de ses patates, nous nous réunissons avec notre famille d'un soir: Joana, Rose, Harry, Neil, Yann, Laurent et les autres locataires de l'auberge pour partager un moment très convivial autour d'un festin venant de nos pays d'origine (Quent' on te l'a dit 100 fois, le Guacamole n'est pas une spécialité française! ). La photo est affreuse, mais, croyez nous, la soirée est aussi improbable que mémorable ! Notre petit cadeau commun : 3 splendides marcels pour compléter notre garde-robe.
Ce 25 décembre, c'est en voulant jeter un dernier regard à Valparaiso et sa baie que nous sommes tombés sur une palanquée d'éléphants de mer en pleine activité.
La côte chilienne, que nous n'avons malheureusement que trop peu vue. 70 bornes après Valparaiso, notre jolie route cotière aboutit sur un carrefour fatal : à gauche, longeant le Pacifique, une longue autoroute (Ruta 5 pour les intimes) s'en va relier le nord du pays sur un plat relatif; à droite, une brave route part elle aussi vers le nord, mais en serpentant dans les Andes. "Chiche?" Un peu inconscients et un peu effrayés par les bus qui déboulent sur l'autoroute, on prend à droite, direction les chemins de caillasses, les petits bleds, et les tunnels de montagne ! C'est donc parti pour 3 jours de grosses suées.
Les chaudes journées du début de semaine dans la cambrousse chilienne dont la majorité des pistes ne sont pas goudronnées. "Es asfaltada por aqui ? - no no no !"
On est définitivement décomplexé dans nos méthodes de cuisine: "Arianne", aimable surnom donné à notre réchaud assourdissant est détrônée par un feu de bois quasi quotidien. Nos bonnes vieilles gamelles souffrent mais c'est pour le bien de la conversation rendue impossible quand Arianne est en phase de décollage...
Petit interlude narratif pour évoquer notre fameux pays hôte actuel, le Chili. Son territoire est vaste comme une fois et demi la france, et pourtant, il faut ben l'avouer, avant de passer la frontière, nous ne savions pas vraiment ou nous allions mettre les pieds. Avec une population de 15 millions d'habitants, en majorité tassée dans la région de Santiago, le pays est relativement désertique. Cela n'empêche pas les chiliens d'être particulièrement sympas et souriants (du moins, ceux que l'on a rencontrés !). L'économie du pays est principalement portée par ses ressources minières (cuivre, notamment) dont regorge cette partie-ci des Andes. La quasi-inexistance de l'industrie implique une importante ouverture du pays vers l'étranger, et notamment vers l'Asie, d'où proviennent au moins les 2/3 du parc automobile chilien. L'inflation, maladie chronique en Argentine, ne semble plus être ici un mal récurrent, bien que les prix y soient relativement plus élevés. Côté culturel, l'influence nord americaine se fait ressentir (sacralisation du drapeau national, rodeo, gros pick up, bouteilles de 3L de Coca...) bien d'avantage que de l'autre versant de la Cordillère. Le Chili n'en garde pas moins une vraie culture latino chaleureuse !
Quand on fume une clope avec les mains pleines de charbon, ça ne veut pas forcément dire qu'on revient de la mine. Voici la preuve.
"Demain matin, vers 5 heures, je pars à la mine". Notre hôte d'un soir au beau milieu de nul part nous raconte son dur labeur sous terre. Malheureusement, nous ne comprenons pas grand chose à son marmonage, seul l'essentiel passe. On lui dit donc buenas noche et gracias por todo. Ce n'est jamais que la millionième fois depuis un mois...
"Le monde entier est un cactus, il est impossible de s'assoir. Dans la vie, il y a qu'des cactus. Moi je me pique de le savoir." Dutronc n'a jamais eu aussi raison qu'au Chili.
Le Chili de l'"intérieur" n'existe pas vraiment car le pays -qui compte à peine plus d'habitants que la Belgique- n'est large que de 250 km environ et tout à fait vide de monde. En fait, à 20 km (et parfois beaucoup moins) de la côte se dressent déjà les contreforts de la Cordillère ! Autant vous dire qu'on est bien loin de la Pampa argentine...
Il n'y a pas que des tunnels dans les Andes chiliennes : les vieux ponts rouillés surplombant d'anciennes rivieres desormais taries sont eux aussi assez fréquents. Au passage, superbe vue sur la vallée et sa population de cactus / chèvres.
On vous laisse savourer la descente !
Cette semaine, les vélos commencent à grogner : une chaine cassée, une roue avant et deux roues arrières crevées. La deutsche Qualität, ce n'est plus ce que c'était.
Après une journée passée à rouler dans la poussière au milieu des cactus, Ô miracle, nous trouvons un petit coin de verdure entourant un petit cours d'eau. On se croirait un instant dans un pub Quechua, la tente 2 Secondes en moins. Le repas au feu de bois sera un vrai régal, et même les croassements des crapeaux peuplant le cours d'eau ne parviendront pas à saboter notre nuit si parfaite.
Tournant dans la semaine. Après un ultime col de 15 km, la grosse indigestion de côtes est consommée. Un seul remède, bifurquer sur l'autoroute réputée "plate" (tout est relatif ici) longeant le Pacifique.
Enfin, après 40 ultimes bornes dans la montagne, nous rejoignons l'autoroute, qui finalement se revele être de magnifiques montagnes russes.
Dans une échoppe au bord de l'autoroute, Quentin ne sait plus où donner de la tête au milieu de l'étal de melons et autres pamplemousses.
Dimanche 29 decembre: Quelle journée mes enfants ! Tout commence par 5 petits pains en guise de petit déjeuner, c'est à dire pas grand chose quand on sait ce qui nous attend. 5 pains, comme le nom de la charmante autoroute d'aujourd'hui, la Ruta 5 Norte (dont on a bien mérité un stikers pour décorer les vélos). Et de même qu'il faut se persuader de la multiplication des pains à l'intérieur des trous béants qui nous servent d'estomacs, il faut qu'un autre miracle se produise si l'on veut abréger la semaine : la multiplication des kilomètres. Partis initialement pour rallier la Serena en deux étapes tranquilou-minou, nous voyons voir une idée stupide germer dans nos petites têtes. Pourquoi ne pas tenter le transit en un seul voyage ? Nous sommes attendus par un contact Warmshower, rouler le dimanche est peut être plus malin et surtout, la raison cachée qui nous pousse vers une telle absurdité cyclotouristique est le fantasme de voir exploser le compteur. À ce petit jeu d'orgueil masculin nous excellons ! Tous les records sont battus sur cette seule étape: 183 km parcourus sur la journée, 74,6 km/h atteints en descente et plus de 2000m de dénivelé encaissés à force de montagnes russes...les chiffres nous font pâlir après nous avoir bien fait rougir. Pas de doute, ce Las Palmas-La Serena restera dans les annales des lubies les plus insensées de l'Eldorado à vélo ! Heureusement, l'accueil de nos hôtes est à la hauteur de notre niveau d'épuisement. Il semble même que l'expression "Dar Basma chilienne" ait été entendue !
"¿ Qué ?! Au feu à gauche ? puis à droite, puis la cinquieme à gauche, puis au fond à droite, puis après le terrain de football sur la gauche ? ". 21h30, il est grand temps d'arriver...
Au passage... bonne année 2014 à tous !