samedi 15 février 2014

Semaine 20 : Uyuni - Potosi

Cette semaine, on laisse de côté pour un moment le sable, la rocaille et les pénuries d’eau pour se plonger dans la Bolivie de l’interieure, d’Uyuni à Potosi ! Partant des rives du Salar, la belle route 5 (toute asphaltée, une grande fiereté locale !) nous enmène donc à la rencontre des petits bleds boliviens et de leurs habitants si souriants, jusqu’aux pieds de Potosi, la ville-mine géante perchée à 4.070 m. Une courte semaine, mais qui a nous aura réservé son lot d'aventures cyclotoursitiques, humaines, culinaires et (comme d’habitude depuis bientôt un mois), gastriques. Et puis Potosi.... quelle ville !



3 longs jours de vélo pour traverser 210 km, qui, une fois n’est pas coutume, étaient bien entendu tout sauf plats. Pour les intimes de la region, nos jambes nous ont portées le premier jour jusqu’a Tica-Tica, puis Agua Castilla le lendemain, avant d’atteindre enfin Potosi le troisième jour. A noter la grosse tache blanche sur la carte : le Salar d’Uyuni ! ¡ Que se aproveche del articulo ! (Bonne lecture !)



Départ d'Uyuni ce mardi 11. Après 3 jours de repos dans la ville du Salar, nous sommes requinqués comme jamais et les 200 bornes qui nous attendent sont loin de nous effrayer. "La Bolivie, tout le monde dit que c'est un haut plateau tout plat non ?". Oh les naïfs... Les premièrs 20 km (600m de dénivelé positif) nous font rapidement  comprendre qu'il va falloir mouiller le maillot, et pas qu'un peu pendant les 3 prochains jours. Le coté postif, c'est que les décors sont aussi majestueux que les pentes sont raides !


 

Les premiers kilomètres à travers la Bolivie rurale et montagnarde - loin des 4X4 touristiques du Sud-Lipez et du Salar - nous font decouvrir un nouveau visage du pays. Celui des huttes (oui, oui, des huttes au 21ème siecle), des toits de paille, des murs en torchis et des bergères gardants leurs 5-6 chevres au milieu de nulle part. Ces petits hameaux tout droit sortis de l'Age de Pierre, dispersés de-ci de-là le long de notre initinéraire, ne manquent pas de nous rappeller que nous traversons le pays le plus pauvre de l'Amerique latine... Paralellement, les habitants des campagnes sont bien plus bienveillants à notre égard que les "citadins" d'Uyuni !



6 km/h, ça use, ça use...



Entre deux cols, petit répit pour nos mollets : 5 km de plat au milieu d'une plaine où gambadent joyeusement une bonne dizaine de millier de lamas !



La Bolivie, sous la pluie, c'est tout de suite un chouia moins sexy... La preuve en image avec Tica-Tica, notre ville-hôte du premier soir, où nous passons la nuit bien a l'abri dans le Centro de Salud (le dispensaire). Au passage, on se promet de faire le maximum pour ne plus avoir à planter la tente d'ici La Paz, notre Pacte de Responsabilité à nous : Challenge accepted !



Cette semaine, le démon du Transit Intestinal a à nouveau frappé. La victime cette fois-ci se nomme Alex, qui enchaîne les maux de ventre comme la route enchaîne les montées. Le coupable ? Le soleil destructeur du Salar, la soupe étrange d'Uyuni ou la tomate un poil "mûre" de l'avant-veille ?  Le mystère reste entier, et les kilometres semblent interminables pour le grand blond de l'équipée. Un joli calvaire qui ne s'estompera qu'à Potosi.



Le Machu Picchu en moins vert !



A Agua Castilla, il est déjà un bon 18h lorsqu'on en termine avec la deuxieme étape de la semaine, bien trempés comme il faut par le grain quotidien de 17h30. Conformément à notre Pacte tout frais, hors de question de planter la tente. Notre instinct nous enmène donc devant l'école municipale, grouillante de gamins plus curieux les uns que les autres (vous n'imaginez pas à quel point une lampe arrière de vélo peut fasciner un bolivien de 8 ans !). Le professeur de sport nous offre avec un grand sourire son local pour passer la nuit au chaud. Ahhh des matelas de gymnastiques... on a toujours pas trouvé mieux pour faire de beaux rêves. Le lendemain matin, à peine levés que nous avons droit à un magnifique "rangement deux par deux" des 600 élèves au milieu de la cour. Cela faisait une bonne dizaine d'année que l'on avait pas vu ça !



Vue imprenable sur les ultimes 40 bornes avant Potosi !



Voici enfin Potosi, célèbre ville minière de Bolivie collectionneuse de records en tout genre. Perchée à 4.070m (pour les premières habitations…) au beau milieu des Andes voici la plus haute ville du monde ! Elle s’étend autour d’une montagne à forme pyramidale qui a été et qui continue d’être transformée en gruyère par les mineurs. Son histoire est plutôt surprenante car mine de rien (…), la ville a été la plus riche d’Amérique latine et une des plus peuplée du monde au 17ème siècle (plus que Paris !). Le secret d’un tel rayonnement sont les quantités chimériques de minerais d’argent qui dormaient paisiblement à portée de main jusqu’à ce qu’un indien tombe par hasard dessus et en touche un mot à un conquistador bassement mercantile… L’exploitation de ce filon hors du commun a été lourde de conséquences puisque, autre triste record, 8 millions de mineurs y perdirent la vie en trois siècles et que les guerres en Europe au 16ième ont été largement financées par cette manne.  



Potosi ou la ville la moins cyclable du monde. Courage Sisyphe, on ne redescend que dans 48 heures.



Comme en Argentine où l'altitude des vignes figurait parfois sur l'étiquette de la bouteille en gage de qualité, la marque de fabrique de la Potosina est d'être le plus haute du monde !



En arrière plan, la fameuse fourmilière aux 15.000 mineros.



Pourquoi se priver du meilleur ? A 11 bolivianos (1,2 €) entrée-plat-dessert, personne ne traine la patte.



Les coiffures de nos amies boliviennes ne sont pas que le résultat d’une mode millénaire ; la façon d’arborer les nattes répond en réalité à un code. Si les tresses sont attachées l’une à l’autre par un petit pompom ou un simple chouchou, vous avez à faire à une femme mariée, si la chevelure n’est pas tressée ou si les tresses sont détachées (attention aux interprétations !), vous avez devant vous une célibataire ! 



J'accuse Mlle Rose avec la machette au coin de la rue !



Décidément, on ne boude aucun des grands classiques du tourisme bolivien. Après le Salar d’Uyuni, voici les mines de Potosi. Pour 5 €, l’agence vous équipe de la tête aux pieds en authentique mineur et vous emmène au cœur de la mine. En prime, on vous fait comprendre qu’il serait bien d’acheter un sac plein de « surprises »  à l’intention des forcats de cet autre monde, de Pachamama et bien sûr du Tio. Les cadeaux sont assez simples et complètement avoués: cigarettes artisanales, feuilles de coca, canette de bière et fiole d’alcool à 96 degrés (car au delà, “ce serait toxique” dixit le guide). Petit rappel pour ceux qui auraient manqué notre rencontre avec Pachamama: il s’agit de la déesse de le terre à qui les indiens attribuent leurs ressources. Il faut donc la remercier en lui restituant une part des bienfaits qu’elle offre. Le rituel consiste à verser deux fois quelques gouttes d’alcool (ou quelques feuilles de coca) sur le sol et de s’en verser quelques autres dans le gosier avant d’entrer dans la mine (et puis aussi en cours de route pour réchauffer les cœurs !). Le « Tio », littéralement le « tonton » mais en réalité plutôt le « dio » de la mine, fils de pachamama et protecteur des mineurs fait également l’objet d’un petit cérémonial fantaisiste. Statue d’argile postée à l’entrée en gardien bienveillant, le Tio reçoit les offrandes des travailleurs en début de journée qui poussent le rite jusqu`à lui faire fumer des cigarettes… La superstition veut que si celle-ci s’éteint, il serait très mal avisé de pénétrer les profondeurs de la montagne ! Mythe ou réalité, les quantités de fioles vides, de feuilles de coca et de mégots laissent penser que les touristes ne sont pas les seuls à lui ficher un clopiot dans le bec et à l’asperger d’alcool à 96 degrés… 



La visite de la mine sonne plutôt « vraie ». Les galeries délabrées regorgent de signes de vie, les aménagements sont inexistants et les précautions de sécurité proches du néant. On va passer rapido rapido annonce le guide devant les traces toutes fraiches d’un éboulement qui semblent le surprendre au moins autant que nous. Ambiance « catacombes » assurée à la petite différence près que l’endroit semble beaucoup moins sain… Goutter l’eau qui ruissèle reviendrait sans doute à tester toute la table de Mendeléiev d’un coup.



Mieux vaut être dans la moyenne bolivienne pour ce genre de visite ! Deux heures plus tard (au 17ième les types restaient quatre mois sous terre...), pas fâché de retrouver l'air vivifiant des 4.000m de Potosi !